Dès lors que les industriels français souhaitent massifier la vente de leurs produits auprès des particuliers, la grande distribution s'impose comme un canal obligé.
Mais découvrir cet univers n’est pas une mince affaire : entre des stratégies achats qui ont connu d’intenses bouleversements depuis les années 90, une législation qui tente en permanence d’équilibrer les pouvoirs entre distributeurs et fournisseurs, et une guerre des prix qui impacte la relation commerciale en continu, comprendre le fonctionnement du référencement en GMS peut ressembler à un véritable parcours du combattant.
Pour vous faciliter la tâche, Sidely synthétise ici les grands thèmes que vous devez appréhender avant de commencer à prospecter les enseignes :
Pour qu’une entreprise (le fournisseur) voit ses produits référencés dans les rayons de grandes surfaces, il lui faut signer un contrat avec l'enseigne concernée (le distributeur). Les points de ventes bénéficient généralement d’une structure de commande centralisée, mais on peut distinguer deux cas : centrale d’achat et centrale de référencement.
La centrale d’achat joue le rôle de grossiste en achetant des produits à des tarifs négociés pour alimenter ensuite son réseau. C’est un modèle assez répandu dans l’univers des franchises. La centrale achète alors les produits de fournisseurs sélectionnés et les revend à des prix préférentiels à ses membres. Elle se rémunère en appliquant une marge sur la revente des produits (comme un grossiste), ou bien sous forme de de service facturé à ces derniers (comme un intermédiaire).
L’autre modèle, plus fréquent dans le secteur de la grande distribution, consiste en un accord-cadre conclu entre une enseigne et un fournisseur, et donnant lieu à des bons de commandes encadrés par ce contrat, et établis à posteriori entre les points de ventes et le fournisseur en question.
Dans ce cas, les magasins ne sont pas obligés de se fournir auprès du fournisseur inscrit au catalogue de l’enseigne. Tout dépend de la latitude de chaque point de vente en matière d’assortiment. En l'occurrence, intégrés et indépendants peuvent avoir des pratiques divergentes, avec une plus grande centralisation chez les premiers.
La centrale d’achat s’engage à favoriser les commandes en communiquant les offres aux membres. Quant au fournisseur, il livre les marchandises conformément aux clauses de l’accord-cadre et aux commandes, il informe la centrale de toute modification concernant les produits ou les tarifs, et il s’acquitte des commissions et ristournes dues aux membres.
Ici, la centrale peut se rémunérer de différentes manières : commission de référencement, pourcentage du chiffre d'affaires réalisé via l'enseigne, RFA (Rémunération de Fin d’Année) etc. L’enseigne fournit à ses adhérents une information à jour sur les produits, prix et offres promotionnelles.
La relation commerciale entre le fournisseur et le distributeur est formalisée par la signature d'un contrat écrit.
Le contrat de référencement constitue un accord par lequel un fournisseur obtient l’inscription de ses produits dans le catalogue d’une enseigne, et définit les modalités d’accès au marché (référencement, conditions commerciales, etc.). Il fait suite aux négociations commerciales entre les deux parties.
Il n’existe pas de modèle de contrat de référencement prédéfini, mais celui-ci inclut obligatoirement l’identité des parties, les conditions de vente (prix, remises, modalités de livraison), la durée du contrat (déterminée ou indéterminée) et les clauses spécifiques (ex : résiliation, modalités de paiement des commissions etc.). En grande distribution, un contrat-type (généralement annuel) est conçu et rédigé par l’enseigne.
Lorsque les points de vente sont intégrés, le contrat-cadre de référencement signé entre le fournisseur et la centrale permet aux points de ventes d’émettre directement des bons de commande.
En revanche, dans un réseau de magasins indépendants (franchisés ou coopérateurs), ce contrat-cadre de distribution est complété par des contrats d’application tripartites, signés entre le fournisseur, la centrale et chaque point de vente. Ces contrats encadrent les engagements locaux et permettent ensuite l’émission des bons de commande.
💡L’accord de référencement ne constitue pas un engagement d’achat, mais permet simplement aux magasins de l’enseigne de commander les produits du fournisseur selon les conditions établies. Les bons de commandes constituent en revanche des contrats de vente individuels.
Tant que le fournisseur n’est pas référencé par la centrale, il lui est impossible de vendre ses produits à un quelconque magasin de l’enseigne. Cette règle garantit la cohésion de l’offre de l’enseigne sur l'ensemble du territoire. Il est possible dans certains cas d’être référencé au niveau local, y compris auprès de centrales locales, un processus achats plus adapté aux cas spécifiques, comme celui de la distribution dans les DOM-TOM.
📚 Juridiquement parlant, le terme “accord de distribution” peut concerner une relation horizontale (entre plusieurs fournisseurs ou entre plusieurs distributeurs de même niveau) ou verticale (entre fournisseurs et distributeurs).
Par ailleurs, depuis l’entrée en vigueur de la loi EGAlim, une convention unique vise à formaliser annuellement les conditions générales de vente (CGV) entre fournisseur et distributeur, afin d’encadrer les relations commerciales pour prévenir les déséquilibres entre les parties, garantissant transparence, non-discrimination, et encadrement des remises, ristournes et services.
Il s’agit d’un contrat écrit qui doit inclure :
Chaque élément doit y être détaillé (c’est le principe du “ligne par ligne” dont il sera question plus bas).
La convention est conclue pour une durée d’un, deux ou trois an(s). Elle doit être signée avant le 1er mars de l'année en cours, sauf si la relation commerciale débute en cours d'année (la convention doit alors être signée dans les deux mois suivant le début de la commercialisation des produits ou services).
Le non-respect des obligations inscrites à la convention unique peut entraîner des sanctions civiles et pénales. Aussi, le Ministère de l'Économie et des Finances précise que “la convention unique peut correspondre à un document unique ou à un ensemble formé d’un contrat-cadre et de contrats d'application.”
Pour une information complète sur la convention unique, reportez vous au site economie.gouv.fr et aux articles L. 441-3 et suivants du Code du commerce.
Les distributeurs ont toujours cherché à acheter au meilleur prix, et cette tendance s’est renforcée avec ce qu’il est convenu d’appeler la guerre des prix (cf dernière partie).
Lorsque les fournisseurs atteignent le prix plancher en dessous duquel ils ne peuvent plus descendre, les enseignes actionnent d’autres leviers : elles vendent différents services, tels que des actions publicitaires ou promotionnelles (mise en avant en magasin, prospectus, têtes de gondole, etc.). C’est ce qu’on appelle la coopération commerciale, une pratique désormais encadrée par le Code de commerce et la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF) pour garantir transparence et équité dans ces relations.
Certaines de ces prestations permettent de transférer des coûts au fournisseur, comme le fait de lui faire prendre en charge la mise en rayon de ses produits. Dans tous les cas, le but des enseignes est d’augmenter leur marge. Historiquement, certains de ces services ont été considérés comme purement artificiels et destinés à augmenter la rentabilité de manière détournée.
Par ailleurs, le lobbying des enseignes a longtemps prôné une essentialisation de la coopération commerciale sur le mode “service global contre rémunération”, alors que les industriels, de leur côté, cherchaient à faire inscrire chaque service ligne par ligne dans les contrats. Ces derniers ont obtenu gain de cause puisque la loi contraint désormais les distributeurs à indiquer de façon détaillée dans les conventions annuelles les services qui entrent dans le champ de la coopération commerciale.
En règle générale, les distributeurs vont donc tenter de maximiser les actions qui seront à la charge du fabricant, comme la mise en rayon, l’affichage, le financement du mobilier ou celui des animations commerciales. Et le fournisseur devra payer pour obtenir des positions stratégiques dans les magasins de l’enseigne. De nombreux facteurs entrent en jeu : zone, rayon, niveau de linéaire, nombre de facings, ou encore têtes de gondoles etc.
💡 En cas d’échec des négociations, Egalim III prévoit un dispositif expérimental permettant au fournisseur de mettre fin au contrat sans pénalité, ou de saisir un médiateur, avec un calendrier adapté (dates relatives au CA).
Si le rapport de force penche généralement en faveur des distributeurs, les fournisseurs disposent de certaines options pour optimiser leur stratégie de référencement.
Du côté des fournisseurs, les baisses tarifaires sont donc souvent validées en échange d’une meilleure valorisation des produits, considérant qu’une bonne performance commerciale augmentera les bénéfices par effet d'échelle, et malgré un prix unitaire initial moindre.
Les industriels qui sont reçus par plusieurs acheteurs réalisent un comparatif des offres qu’ils reçoivent. Sauf à devoir écarter des propositions trop peu rentables, des accords peuvent se nouer avec plusieurs partenaires. Quant aux marques nationales, elles jouissent d’une popularité suffisamment forte auprès du grand public pour peser dans les négociations et ne faire l’économie d’aucun canal de distribution. C’est le principe de la distribution intensive.
Par ailleurs, la part de marché du distributeur - et ses projections futures - sur le rayon de la marque est un signal important pour le fournisseur ; une ambition de croissance pourrait donner lieu à une baisse tarifaire plus généreuse. Si au contraire, l’enseigne est en perte de vitesse sur la catégorie de produit concernée et n’entrevoit pas d'amélioration, le fabricant restera prudent sur les conditions à valider.
Enfin, les positions en linéaires ne suffisent pas à dynamiser les ventes, et le fournisseur, outre les conditions qui lui sont proposées, cherchera à connaître les avantages accordés à ses concurrents. En effet, la place dans les rayons étant limitée, un distributeur doit faire des choix en matière de référencement, notamment sur le nombre de fournisseurs, et désigner ceux qui bénéficieront des espaces les plus générateurs de ventes.
Cette évidence dicte également la stratégie des fournisseurs qui, conscients qu’ils ne pourront pas gagner sur tous les fronts, vont souvent consentir des tarifs plus favorables à l’enseigne qui leur assure la meilleure visibilité. L’objectif est généralement de boucher le canal en parvenant à obtenir les meilleures positions avant leurs concurrents. Autrement dit - et bien que ce ne soit pas une règle absolue - les fournisseurs ont intérêt à signer le plus vite possible, et surtout avant les autres.
Du côté des enseignes, l’arme fatale est bien-sûr le déréférencement. Celui-ci peut-être partiel, total, et parfois définitif. Un fabricant qui aurait tout misé sur un seul distributeur s’expose alors à un risque de faillite important.
C’est pourquoi le contrat va permettre au fournisseur de verrouiller les conditions pendant un an (sauf si une clause prévoit leur révision). L'accord vient donc empêcher, sauf cas extrêmes, le déréférencement en cours d’année.
Malheureusement pour les industriels, les choses ne sont pas si simples.
En effet, si la loi EGAlim II a rendu possibles (sous conditions) les augmentations tarifaires par les fournisseurs en cours de contrat, les distributeurs disposent d’un véritable arsenal d’actions punitives en réaction à ces modifications unilatérales.
Par exemple, ils peuvent réduire l’assortiment, ralentir le réassort des rayons, déplacer les produits dans des zones froides, annuler les promotions, et dans les cas les plus extrêmes, cesser de recevoir les chefs de secteurs lors de leurs visites en magasins. La même escalade est à craindre si l’enseigne découvre des prix de ventes plus bas dans d’autres canaux (par exemple en e-commerce).
Pour les marques, cet état de fait entraîne une problématique bien connue : l’obligation de se rendre physiquement dans chaque point de vente pour contrôler l’assortiment, le merchandising, ou tout simplement… le référencement. Le contrôle du respect des accords peut donc nécessiter des ressources importantes sur le terrain.
À l’inverse, il est rare qu’un fournisseur cesse de livrer un distributeur pour exprimer son opposition. Seules certaines marques nationales ou internationales ont assez de pouvoir pour brandir cette menace. Pour la plupart des fabricants, l'arrêt de la collaboration entraîne en effet une situation financière périlleuse, avec des invendus dans les entrepôts et des pertes de chiffre d’affaires qui deviennent rapidement abyssales, car un distributeur ne se remplace pas facilement, et certainement pas au pied levé !
Pour éviter ces situations désastreuses, le fournisseur veille donc à ce que les accords de distribution décrivent avec la plus grande clarté les mentions légales relatives à la coopération commerciale, telles que la nature des services rendus, les dates et durées des prestations, ou encore leur rémunération.
Depuis les années 90, les législations française et européenne ont cherché à rééquilibrer les relations commerciales entre distributeurs et fournisseurs.
Ainsi, plusieurs textes ont visé à limiter les abus de position dominante, encadrer les pratiques contractuelles, garantir la transparence des négociations, mais aussi assurer une rémunération plus juste des agriculteurs.
Bien entendu, les lois n’ont pas toujours eu les effets escomptés, et chaque évolution a donné lieu à de nouvelles dérives.
Le tableau ci-dessous propose une synthèse non exhaustive des mesures entrées en vigueur ces trente dernières années, et des effets qui les ont suivies.
À la fin des années 2000, la crise économique et l’inflation impactent fortement le pouvoir d’achat des français. La décennie suivante est marquée par un changement de stratégie général (à l’initiative du groupe Casino) des acteurs de la grande distribution en France, couramment appelé la guerre des prix.
Ce phénomène a toujours cours de nos jours, et les fournisseurs subissent une pression très forte de la part des enseignes. Aussi, le législateur ayant tenté d’équilibrer les rapports de force (cf ci-dessus EGAlim), les acheteurs ont repensé leur modèle de sourcing pour maintenir leur capacité d’achat au meilleur prix.
Deux principales tendances sont à l'œuvre depuis cinq ans : le regroupement des structures de référencement entre différentes enseignes, et une gestion des achats opérée depuis d’autres pays de l’Union Européenne.
Ainsi, si la guerre des prix semble être la règle dans le secteur de la grande distribution, les négociations annuelles sont paradoxalement marquées par une étonnante collaboration entre les enseignes, qui cherchent par ce levier à massifier leur force d’achats à l’échelle nationale. On observe en effet une concentration inédite des centrales d’achats, les géants français s’associant pour peser encore plus fort sur les marques nationales.
Notons que les alliances ne sont pas toujours durables. Que Choisir (1) indique que “En l’espace de deux ans, Envergure, qui regroupait Carrefour et U, a disparu, tandis qu’Aura (Auchan, Intermarché et Casino) est apparu, et que Carrefour et U font désormais cavaliers seuls.” Par ailleurs, toujours selon Que Choisir (2), les centrales d’achats mutualisées sont aussi utilisées pour l’approvisionnement en produits sous marque distributeur (MDD).
La création de ces méga structures a également lieu à l’échelle de l’Union Européenne ; des plateformes dédiées aux achats internationaux se sont montées dans le but de négocier le référencement de produits de grande consommation. Ces super centrales d’achats sont conçues pour faire plier les géants internationaux comme Nestlé, Danone ou Coca Cola.
Ainsi, Carrefour achète désormais depuis sa filiale Eureka basée en Espagne, Leclerc depuis Eurelec en Belgique, et Aura depuis Everest aux Pays-Bas.
Que Choisir nous apprend également que les services associés (promotions, emplacements, publicité), désormais rassemblés sous la bannière de “droits d’entrées”, sont eux aussi formalisés via des contrats conclus à l’étranger (Suisse, Belgique).
Pour les mastodontes de la distribution, ces centrales supranationales visent bien-sûr à augmenter la force d’achat, mais aussi - et surtout - à se soustraire à la loi française. Comme nous l’avons vu, EGAlim autorise la révision des prix en cours de contrat de manière à rémunérer justement les producteurs agricoles. En opérant depuis l’étranger, les distributeurs contournent cette règle. 50% des produits présents dans les rayons des GMS françaises seraient concernés.
De leur côté, les enseignes s’en défendent, arguant notamment que leurs interlocuteurs sont eux-mêmes des fournisseurs internationaux. À leur décharge, il faut préciser que les produits écoulés uniquement en France ne sont pas concernés, ni les accords relatifs aux produits de marque distributeur (MDD).
Quoi qu’il en soit, cette situation n’émeut pas la Commission européenne plus que cela, du fait que cette force d’achat favorise les prix bas en magasin. Au grand dam des partisans de la loi EGAlim.
En résumé
L’organisation des achats en grande distribution suit généralement deux modèles : soit une centrale d’achats se fournit pour alimenter ses points de ventes, soit une centrale de référencement met en place un accord-cadre pour que les points de ventes du réseau puissent acheter dans les meilleures conditions.
Ce deuxième modèle est le plus courant en grande distribution ; les fournisseurs doivent alors tenter de maximiser leurs intérêts lors de la rédaction de ces accords. Le législateur oblige désormais à la signature de conventions uniques devant détailler les prestations de coopération commerciale, des services conclus entre les parties en sus des négociations tarifaires.
En dépit des lois successives qui ont tenté d’équilibrer la relation commerciale, le rapport de force est généralement à la faveur de l’enseigne, qui peut menacer les fournisseurs de déréférencement. Les fournisseurs ont cependant des stratégies de négociation qui peuvent s’avérer gagnantes, et visent principalement à augmenter leur visibilité auprès d’au moins une enseigne partenaire.
Enfin, l’avenir nous dira ce qu’il advient des pratiques mutualisées - voire internationalisées - des distributeurs, jamais à court d’idées pour maintenir leur pouvoir d’achats face aux entreprises françaises, surtout dans un contexte de concurrence sur les prix en magasins.
Vous devriez maintenant avoir une vision plus claire de ce qu’implique le référencement de vos produits en grande distribution. Et si vous avez déjà signé avec une ou plusieurs enseignes, il ne vous reste plus qu’à dynamiser vos performances avec le CRM Sidely !