Longtemps perçu comme un marché stable et centré sur l’enfance, le secteur du jeu et du jouet connaît aujourd’hui de profondes mutations. Entre la baisse de la natalité, la concentration des ventes sur la fin d’année, la montée des préoccupations écologiques et l’émergence de nouveaux modèles économiques, les acteurs doivent composer avec un environnement complexe et en constante évolution.
À travers cet article, nous proposons un tour d’horizon des grandes tendances qui façonnent la consommation de jouets en France, des attentes des familles aux stratégies industrielles, en passant par la transformation des circuits de distribution.
Nous y aborderons les sujet suivants :
La France est le plus gros marché du jouet en Europe, avec près de 157 000 tonnes de produits vendus en 2024.
Cette statistique exclut les jeux vidéo, un secteur doté de nombreuses particularités : modèle économique, circuit de distribution (essentiellement numérique), usages, logiques d’édition culturelle ou encore événements professionnels.
Aussi, pour cadrer le périmètre de cet article, commençons par rappeler la différence entre jeu et jouet.
En parallèle de ces deux grandes familles de produits, on distingue généralement une dizaine de catégories d’articles.
En 2024, le marché français du jouet a atteint environ 4,3 milliards d’euros, marquant une légère baisse de -0,7 % par rapport à 2023, une performance à apprécier en comparaison des 5 points perdus sur l’année précédente.
Alors que le début de l’année avait déçu les observateurs, Décembre a connu une croissance spectaculaire de +4,5%, avec une concentration des achats sur les cinq dernières semaines de l’année.
Le secteur du jouet est en effet marqué par un très fort effet de saisonnalité, près 50% du chiffre d’affaires étant réalisé en fin d’année. Si Noël catalyse la majorité des ventes, le Black Friday est également devenu une institution, au point que de nombreux français gèlent leurs dépenses en attendant cet événement.
Plusieurs segments ont connu une forte croissance :
Par ailleurs, les jouets sous licence ont atteint un niveau record, représentant 26,9 % du chiffre d’affaires, contre 24,9 % l’année précédente.
Le phénomène des kidults - adultes consommateurs de jouets - s’est également confirmé avec près de 29 % de parts de marché.
En termes de circuits, les enseignes spécialisées ont progressé de +6,3 % et captent désormais 42 % du marché, tandis que les grandes surfaces alimentaires reculent de -7,6 %, ainsi que les ventes en ligne, de -6 %.
Enfin, le prix moyen des jouets s’établit à 18 Euros, soit une légère hausse +0,5%, résultant de l’inflation et de la montée en gamme des produits.
Malgré un contexte démographique et économique incertain, le secteur se montre donc tout à fait résilient, soutenu par l’innovation produit, la force des licences et une montée en gamme via les circuits spécialisés.
Sources : Circana, Toute La Franchise, Le JDD, emarketing, Yoganoel.
Le système de licence est une particularité majeure du secteur du jouet et du jeu. Il permet à un fabricant d’acquérir les droits d’exploitation d’une marque, d’un personnage ou d’un univers connu pour développer des produits dérivés, et implique le versement de redevances sur les ventes et une étroite collaboration entre ayants droit, licenciés et distributeurs.
Les jouets sous licence bénéficient d’une forte notoriété immédiate et d’un pouvoir de prescription élevé auprès des enfants. Ils représentent jusqu’à un tiers des ventes de jouets, selon les années et l’actualité culturelle (films, séries, événements).
En 2025, Pokémon, Pat'Patrouille, Marvel, Star Wars, Barbie ou encore Lilo et Stitch sont incontournables. Ces licences structurent les grandes tendances du marché français : cartes à collectionner, gammes collector pour adultes, et jouets iconiques liés à des franchises massives.
Une autre particularité du secteur du jouet réside dans le fait que l’acheteur n’est généralement pas l’utilisateur final. Enseignes et marques déploient ainsi une double approche en magasins :
Cependant, cette situation évolue vite ; les enfants reçoivent désormais leur premier smartphone à l’âge de 11 ans, ce qui facilite une communication directe et digitalise le parcours de vente. Et ce n’est pas tout : le smartphone devient lui-même un produit de divertissement, concurrent indirect des jeux traditionnels, et vecteur d’accès aux jeux mobiles.
Beaucoup de professionnels s’inquiètent ainsi de l’effet KGOY (Kids Getting Older Younger), ce phénomène qui voit les enfants délaisser précocément leurs jouets au profit des écrans et des usages adolescents.
Pour compenser, les industriels peuvent cependant compter sur un segment en pleine croissance : celui des kidultes. Ces adultes passionnés de jeux de construction, figurines, puzzles et autres jeux de société, représentent désormais une manne de 1,3 milliard d’euros.
Avec des petits qui grandissent trop vite et des grands qui retournent en enfance, les fabricants ont de quoi nourrir leurs réflexions stratégiques !
Le secteur du jouet et du jeu en France repose sur une constellation d’acteurs intervenant à différentes étapes de la chaîne de valeur, depuis la conception, jusqu’à la mise en rayon.
Les fabricants en sont les piliers. Le marché est dominé par de grands groupes internationaux comme Mattel, Lego ou Playmobil, mais il existe également un tissu dynamique de PME françaises telles que Smoby, Jeujura, Djeco ou Janod.
Certaines marques adoptent des positionnements innovants, comme les DNVB ou startups spécialisées dans des jeux éducatifs ou créatifs. La production est souvent délocalisée, mais quelques acteurs conservent - ou développent - une fabrication locale, de plus en plus demandée par les consommateurs.
Au cœur de la commercialisation se trouvent les distributeurs, répartis en plusieurs canaux complémentaires :
Les magasins indépendants, concept stores ou librairies spécialisés comptent pour 5 à 10 % du marché, avec une dynamique positive sur les segments durables, éducatifs ou créatifs.
Les grossistes jouent également un rôle clé sur le marché français, en assurant la revente en gros de jouets à de petits détaillants ou à des circuits spécialisés qui n’ont pas les volumes suffisants pour travailler en direct avec les marques.
Parmi eux, des entreprises comme WDK Groupe Partner agissent comme des centrales d’achat ou des distributeurs B2B. Ce maillon est particulièrement important pour l’approvisionnement des points de vente indépendants en milieu rural ou dans des circuits alternatifs.
Autres acteurs influents : les prescripteurs et relais éducatifs. Les crèches, écoles, centres de loisirs ou encore les professionnels de la petite enfance (orthophonistes, psychomotriciens) utilisent le jeu à des fins pédagogiques ou thérapeutiques, influençant ainsi les tendances et les achats.
Enfin, le secteur s’appuie sur plusieurs organismes professionnels qui assurent la promotion de la filière, son encadrement réglementaire et la production de données marché. Citons notamment la Fédération Française des Industries Jouet-Puériculture (FJP), ainsi que les instituts d’études comme Circana (ex-NPD), sans oublier les salons professionnels français et européens qui structurent les rencontres entre acteurs.
Historiquement, les grandes enseignes spécialisées du jouet ont mis du temps à prendre le virage du digital. Confrontées à la montée en puissance des sites de vente en ligne, puis à l’agressivité tarifaire des grandes surfaces alimentaires, certaines ont connu de sérieuses difficultés, notamment jusqu’en 2020.
Depuis, le paysage a évolué : les spécialistes du jouet ont engagé leur transformation et déploient aujourd’hui de véritables stratégies omnicanales, combinant commerce physique, e-commerce et services phygitaux (retrait, réservation en ligne, etc.).
Le modèle du magasin géant, porté jadis par Toys “R” Us, a progressivement disparu en France, laissant place à des formats plus compacts, plus accessibles et plus en phase avec les attentes actuelles : proximité, conseil, ambiance et théâtralisation.
Depuis dix ans, le circuit spécialisé a dû faire face à de nombreux défis : baisse de la natalité, essor du jeu vidéo et du smartphone, pression croissante du e-commerce, guerre des prix menée par la grande distribution, et enfin concentration extrême des ventes sur la fin d’année. À cela s’ajoutent des coûts fixes élevés liés à l’exploitation de magasins physiques.
Mais ces enseignes ont aussi pu s’appuyer sur plusieurs leviers favorables, comme la popularité croissante des licences, l’émergence du segment des kidultes et surtout une forte attente des consommateurs pour le conseil, le service et la personnalisation.
Aussi, pour préserver leurs parts de marché, les enseignes spécialisées ne se sont pas contentées de rationaliser les formats de magasins. Parmi les axes stratégiques poursuivis, on constate le développement de marques propres pour renforcer la différenciation, l’amélioration du positionnement prix perçu, la montée en gamme de l’offre, et la formation renforcée des équipes en contact client.
Il en ressort que, malgré un contexte économique marqué par la crise sanitaire, la guerre en Ukraine et l’inflation, le secteur a fait preuve d’une résilience notable. Les Français continuent bel et bien de fréquenter les magasins spécialisés, attirés par la qualité de l’offre, la disponibilité immédiate des produits, et l’expérience d’achat unique que ces derniers proposent.
La vente physique de jeux et jouets ne se limite pas aux enseignes spécialisées ou alimentaires. En réalité, le secteur s’appuie sur une multitude de points de vente indirects, qui enrichissent le maillage commercial sur l’ensemble du territoire. Parmi eux :
Cette dispersion des points de contact explique la présence d’acteurs comme WDK Groupe Partner, un grossiste multi-canal capable de couvrir l’ensemble de ces réseaux avec une offre souple et adaptée à chaque type de distribution.
Pour les industriels du jouet, cette diversité des circuits de distribution impose d’adopter une stratégie multicanale agile et différenciée. Chaque point de vente répond à des logiques d’achat spécifiques et implique des modes d’approvisionnement distincts, allant des centrales d’achat aux grossistes en passant par les contrats directs.
Pour maximiser leur présence et leur performance, les marques doivent adapter leur offre, leur argumentaire et leur logistique à chaque canal, tout en assurant une cohérence globale de leur image. Cette fragmentation complexifie le pilotage terrain, rendant indispensable le recours à un CRM de retail execution capable d’orchestrer l’ensemble du réseau.
Face aux enjeux écologiques, économiques et sociaux, les consommateurs français modifient en profondeur leur rapport aux jouets. Plus attentifs à l’impact de leurs achats, ils valorisent désormais les produits locaux, durables, éducatifs, mais aussi les solutions plus souples et collaboratives. Le marché du jouet s’adapte à ces nouvelles exigences, faisant émerger des modèles inédits.
Depuis quelques années, la fabrication locale revient clairement sur le devant de la scène. Des marques comme Vilac, Jeujura ou Petitcollin valorisent une production française et artisanale, souvent en bois, qui séduit les parents en quête de qualité, traçabilité et soutien à l’économie hexagonale. King Jouet, de son côté, valorise cette offre à travers des sélections “made in France” dédiées.
L’éco-conception s’impose également comme un critère clé. Bioviva, Sloli ou encore Janod développent des jeux durables, éducatifs, et à faible impact environnemental. Les distributeurs suivent le mouvement, à l’image de King Jouet avec son label Jouet Score qui permet aux clients d’évaluer instantanément le degré d’éco-responsabilité d’un jouet ou d’un jeu.
La loi AGEC pousse aussi les fabricants à réfléchir à la fin de vie des produits, notamment en matière de collecte et de revalorisation.
Les parents ne cherchent plus seulement à divertir leurs enfants : ils veulent aussi les accompagner dans leurs apprentissages. Le succès des gammes STEM (sciences, robotique, logique) proposées par Clementoni, LeapFrog ou Nathan en est la preuve.
Le modèle traditionnel d’achat de jouets neufs en magasin est désormais complété par une multitude d’initiatives plus flexibles et économiques :
Le développement des DNVB (marques nées en ligne) comme Lunii montre que les marques peuvent créer un lien direct avec les familles via le digital. Parallèlement, les enseignes physiques investissent dans des expériences immersives (ateliers, jouets testables en magasin) pour renforcer leur attractivité et créer de la valeur au-delà du produit.
Dans un contexte français marqué par une forte saisonnalité des ventes, une pression sur les coûts logistiques, la baisse de la natalité et une concurrence internationale soutenue, les fabricants de jouets et jeux doivent explorer de nouveaux leviers pour consolider leur rentabilité.
Voici 10 pistes à considérer dans la construction d’une stratégie industrielle plus résiliente et adaptée aux réalités du marché :
La concentration des ventes sur le dernier trimestre incite à anticiper très en amont la production et les flux logistiques. Il peut être stratégique de développer des gammes hors saison ou d’envisager des débouchés à l’export vers l’hémisphère sud pour lisser l’activité sur l’année.
Dans les segments portés par les licences ou les tendances rapides, raccourcir le time-to-market peut représenter un avantage concurrentiel. Explorer des méthodes agiles ou nouer des partenariats avec des structures innovantes (startups, écoles de design, incubateurs) peut accélérer la mise sur le marché.
S’appuyer sur des licences populaires garantit une visibilité rapide mais réduit les marges. À l’inverse, créer ses propres marques permet de mieux contrôler la chaîne de valeur, à condition de réussir à construire un univers fort. Un mix des deux approches peut contribuer à équilibrer volume et rentabilité.
Dans un marché français stable voire contraint, l’export peut devenir un levier de croissance. L’Europe, les États-Unis ou le Japon valorisent le "Made in France", notamment pour des produits à forte valeur ajoutée. Il convient toutefois d’adapter l’offre aux préférences locales et d’étudier les canaux d’accès les plus efficaces (partenariats, distribution locale, plateforme e-commerce etc.).
Face aux incertitudes géopolitiques et aux hausses de coûts, il peut être pertinent d’envisager la relocalisation partielle, le multi-sourcing ou la reprise de contrôle sur certaines étapes industrielles (assemblage, injection plastique). Ces options contribuent à renforcer la résilience et réduire les délais.
Dans un secteur facilement copiable, renforcer ses dispositifs de protection intellectuelle (brevets, modèles, marques) contribue à préserver sa différenciation. Il est également utile d’organiser une veille anti-contrefaçon et de coopérer avec les instances professionnelles pour mutualiser la surveillance et les actions.
La demande évolue au-delà du jouet enfant traditionnel. Les gammes pour adultes (puzzles, Lego Technic, jeux de société), les jouets à visée éducative ou écoresponsable peuvent offrir des marges plus élevées et élargir la base client. S’adapter à ces usages peut devenir un axe différenciant.
Investir dans un canal direct-to-consumer renforce la connaissance client et améliore les marges, à condition de bien gérer la cohabitation avec les distributeurs. Si les investissements marketing initiaux peuvent s’avérer conséquents, l’exploitation des données pour personnaliser l’expérience facilite une génération de valeur autonome et indépendante.
Assurer la visibilité des produits en point de vente est déterminant dans un contexte de forte concurrence en rayon. Un CRM mobile facilite le pilotage des tournées commerciales, le suivi des actions merchandising, et la coordination entre marketing et forces de vente.
Face à la volatilité de la demande, il peut être judicieux de partager plus finement les données prévisionnelles, les retours sur stock et les actions promotionnelles. Certaines marques choisissent même de co-construire leurs opérations avec les enseignes pour gagner en efficacité commerciale. C’est le principe fondateur du trade marketing.
Malgré l’essor du numérique, le réseau de distribution physique demeure un levier stratégique extrêmement fort pour les marques de jouets. Être référencé dans un réseau spécialisé ou généraliste permet notamment de :
Dans un contexte où les consommateurs souhaitent voir, toucher, comparer, la présence en magasin reste un vecteur de conversion puissant. L’univers magique qu’offre le magasin reste inégalé en termes d’émotion et d’immersion.
Référencer un produit ne suffit plus : il faut garantir sa bonne exécution en point de vente.
Cela passe par :
C’est tout l’enjeu du retail execution, qui mobilise les équipes commerciales et merchandising dans un objectif commun : maximiser la disponibilité et l’attractivité des produits en rayon.
Pour piloter efficacement cette stratégie, un CRM métier comme Sidely offre de nombreux avantages :
Dans un univers concurrentiel, les marques qui structurent leurs opérations sur le terrain prennent l’avantage. Un CRM spécialisé dans la vente en réseau, mobile et collaboratif, devient alors un véritable levier de croissance.
Alors que le secteur du jeu et du jouet entre dans une nouvelle phase de transformation, les cinq années à venir s’annoncent décisives. Entre transition écologique, digitalisation, nouvelles attentes sociétales et évolution des modèles économiques, les fabricants devront conjuguer créativité, agilité industrielle et excellence opérationnelle pour rester compétitifs.
Ceux qui réussiront à proposer des produits porteurs de sens, durables et différenciants auront un avantage certain dans un marché où la qualité perçue et l'impact l'emporteront sur la simple recherche de volumes à bas prix.