La percée du discount en France n’est plus à démontrer : le canal est en pleine croissance et représente 12% de la distribution alimentaire en 2024. Le réseau de Lidl comprend 1600 magasins, celui d’Aldi 1300.
Mais ces chiffres cachent une évolution plus globale du secteur de la grande distribution alimentaire. Initialement perçu comme un modèle économique périphérique et low-cost, le discount empiète peu à peu sur le positionnement des enseignes traditionnelles, lesquelles ripostent avec des stratégies premier prix et marques distributeurs très agressives.
La distribution se concentre ainsi de plus en plus sur le rapport qualité-prix, imposant de nouvelles règles du jeu aux fabricants, qui pourront y voir de nouvelles opportunités industrielles et commerciales, mais aussi des risques considérables.
C’est pourquoi Sidely vous propose une immersion dans le monde du discount : nous en verrons les principales caractéristiques, les évolutions économiques majeures, et les enjeux pour les industriels qui envisagent de se déployer sur ce réseau.
Le terme discount qualifie une méthode commerciale du retail, visant à proposer en permanence des produits moins chers que la concurrence, en utilisant des techniques d’optimisation financière et en limitant les services associés.
Poussée à l'extrême, l’optimisation des assortiments, du merchandising, de la chaîne d'approvisionnement et surtout de la politique tarifaire, a conduit l’adoption du terme hard discount.
🇫🇷 En français, discount se traduit par discompte, et hard discount par maxidiscompte.
Ces magasins en libre service sont parfois appelés box store(s). Ils se caractérisent par une surface comprise entre 400 et 800 m², un aménagement minimaliste, des produits stockés directement dans des cartons ou des rayons simples, souvent faits de palettes et de racks métalliques.
L’offre maxidiscompte est dominée par l'alimentaire, avec un assortiment réduit (parfois une seule référence par produit) et une surreprésentation très nette des marques de distributeur (MDD). Tout y est pensé pour la réduction des coûts : aménagement, décoration, éclairage, entreposage etc.
Les géants allemands Aldi et surtout Lidl sont les acteurs principaux du marché français. Le troisième nom incontournable est Netto (Les Mousquetaires). À une autre échelle, citons également l’allemand Norma, plutôt présent dans l’est de la France, et à ne pas confondre avec le danois Normal, l’espagnol Primaprix dont l’aventure française n’a commencé qu’en 2022, ou encore Supeco (Groupe Carrefour).
Lidl France ne communique pas directement ses performances financières, mais sa maison-mère, le groupe Schwarz, a enregistré un chiffre d'affaires net de 81,8 Md€ pour l'exercice fiscal 2023, avec une croissance de +8,5%. Netto est également en forte croissance, avec un chiffre d’affaires qui avoisine les 1,5 Md€. L’américain Costco se situe aux alentours de 220 M€ de chiffres d’affaires, mais connaît une croissance importante. Et Carrefour entend bien développer son enseigne discount brésilienne Atacadao.
De son côté, Aldi France connaît d’importantes difficultés financières, soit 1,4 Md€ de pertes sur trois exercices consécutifs, suite - notamment - à la reprise des magasins Leader Price.
Enfin, l’utilisation du terme discount peut être élargi à la distribution non alimentaire, avec des enseignes comme Stokomani ou Action, ainsi qu’à la vente en ligne (on parle parfois de e-discount), avec par exemple Cdiscount.
L'émergence du discount s'explique par une demande croissante de prix compétitifs par les consommateurs : certains segments de clientèle sont à la recherche du meilleur rapport qualité-prix, un critère qui passe pour eux avant l’enseigne, et même avant les marques.
La réduction des coûts est au cœur de la stratégie des distributeurs discount. Le modèle repose sur une optimisation extrême des processus logistiques et commerciaux, et favorise une adaptation rapide aux mutations du marché.
Les discounters réduisent au maximum le personnel, le marketing et la publicité sur lieu de vente, ainsi que le conditionnement (les industriels livrent parfois des produits près à la mise en rayon).
Les marges par produit sont faibles, et la rentabilité du modèle est basée sur un volume de ventes élevé et une rotation rapide des stocks.
L’assortiment des distributeurs discount se distingue par deux caractéristiques clés qui leur permettent de proposer des prix bas tout en optimisant leur rentabilité : un choix de références limité, et l’omniprésence des MDD.
L’assortiment des distributeurs discount est étroit et peu profond : il comprend généralement entre 1500 et 3000 références (contre 20 000 dans une grande surface traditionnelle). Cette sélection resserrée permet de réduire les coûts logistiques et de stockage, et de maximiser le volume de vente par référence, ce qui améliore les conditions d’achat auprès des fournisseurs.
Les assortiments sont optimisés pour répondre aux besoins de consommation courante, avec une forte présence des produits alimentaires et d’hygiène. On y trouve principalement des produits frais et surgelés, de l’épicerie sèche, et des produits d’hygiène et d’entretien. Les références sont choisies pour maximiser la rotation des stocks et éviter les invendus.
Contrairement aux grandes surfaces alimentaires (GSA) qui adaptent parfois leur assortiment selon les régions, les discounters privilégient un assortiment uniforme en France, ce qui simplifie la logistique et réduit les coûts.
Les enseignes discount misent fortement sur leurs propres marques, qui représentent jusqu’à 90 % de leur offre. Ces produits, conçus directement avec des industriels sous cahier des charges, permettent de maîtriser les coûts et les marges, et de limiter la dépendance aux grandes marques nationales.
Exemples de MDD :
Depuis dix ans, les sociétés d’études Nielsen, Kantar TNS et IRI ont abandonné le terme “discounter” et lui préfèrent les acronymes suivants :
Les discounters intègrent tout de même certaines marques nationales (MN) dans leur assortiment, en quantité limitée et souvent sur des produits d’appel (ex. : Coca-Cola, Kinder, Kellogg’s). Cela permet d’attirer des consommateurs hésitants et d’améliorer leur image.
Le discount est né en Allemagne dans les années 1980, où les fondateurs d'Aldi, les frères Albrecht, ont imaginé un modèle radical pour réduire drastiquement les coûts et proposer des prix planchers. Leurs principes fondateurs étaient simples mais révolutionnaires :
L'arrivée de Lidl et Aldi en France au début des années 1990 a d'abord été accueillie avec scepticisme, les français n’ayant pas le même rapport à la consommation que les allemands, ou le hard discount représente encore aujourd’hui 40% du marché, contre 12% dans l’hexagone.
Par ailleurs, les français ont un rapport privilégié avec les marques nationales, ce qui a représenté un obstacle important pour les discounters, dont la rentabilité est basée sur les produits en marques blanches.
Mais le modèle s’est finalement imposé, grâce à une stratégie de pénétration méthodique :
Pendant un temps, les deux géants allemands ont pu être qualifiés de “requins” en raison de leur politique commerciale agressive. On a alors appelé "bébés requins" les nouveaux entrants qui ont adopté des stratégies similaires mais avec une approche innovante ou plus agressive.
Historiquement plus présents dans les départements où les revenus sont inférieurs à la moyenne nationale, les enseignes discount tendent désormais à augmenter la densité de leur réseau du fait de l’augmentation de la sensibilité aux prix.
En réaction à cette menace grandissante, les enseignes traditionnelles ont intensifié leur stratégie de marques distributeurs. Marques Repère (Leclerc), Auchan Essentiel, Top Budget (Intermarché) sont destinées à résister à l’essor des discounters et prendre des parts de marché sur le low-cost. Dans le cas de Leclerc et Intermarché, la guerre des prix conditionne toute la stratégie commerciale.
Mais les géants français ne sont pas les seuls à évoluer ; les enseignes discount ont elles aussi entamé une transformation de leur modèle historique. Depuis dix ans, Lidl ne se présente plus comme enseigne hard discount, et s’est repositionné en s’implantant dans des zones plus premium, avec une offre élargie.
On parle désormais de soft discount pour désigner ce nouveau mix, une stratégie qui va jusqu’à l’approvisionnement local, les produits biologiques, et, de manière générale, une proposition globale aux enjeux de consommation des ménages.
Si Lidl a donné le la, Aldi lui emboîte le pas. C’est en fait tout le secteur de la grande distribution qui se métamorphose, et la frontière entre hard discount et distribution traditionnelle est de plus en plus fine. Une constatation corroborée par les chiffres de UFC / Que Choisir : si Lidl est bien l’enseigne la moins chère de France, Intermarché et Leclerc sont plus économiques qu’Aldi !
Cette tension du marché a donné lieu à de nombreuses croissances externes (Netto racheté par Les Mousquetaires, Leader Price par Aldi etc.) et fermetures d’enseignes : ED, Dia, Prixbas etc. La liste des enseignes disparues en dit long sur les turbulences du secteur.
Pour réussir à distribuer leurs produits dans le réseau discount, les marques doivent composer avec la spécificité d’un assortiment reposant essentiellement sur les marques blanches et la sélection de marques nationales triées sur le volet.
Les marques nationales occupent une place singulière dans ce modèle. Des marques comme Smarties (Nestlé), Ferrero Rocher ou encore Lego parviennent à s’imposer par leur popularité, leur capacité à activer certains segments cibles, ou simplement parce que les produits de substitution génèrent des revenus inférieurs pour les discounters.
Cependant, toutes les enseignes discount n’ont pas la même stratégie de développement. Comme nous l’avons vu, Lidl n’est plus enfermé dans le hard discount. Il est donc crucial de cibler les distributeurs qui correspondent le mieux au mix marketing de la marque.
Parfois, il sera possible de commencer par un référencement limité ou un produit spécifique avant de généraliser la distribution sur tout le réseau.
Pour les industriels qui optent pour une stratégie de distribution intensive, le discount permet de toucher une cible particulière, plus sensible au prix qu’à la marque, dont une partie ne fréquente pas du tout les autres formats de magasins.
Ce canal supplémentaire permet donc de profiter d’un trafic spécifique généré par les enseignes discount elles-mêmes, et implique parfois de tester de nouveaux marchés ou formats, en lançant par exemple des gammes spécifiques adaptées au discount.
Les enseignes discount recherchent des produits avec un coût de revient optimisé, une logistique et un conditionnement simplifiés et adaptés au stockage en magasin (par exemple des produits directement disposés en carton prêt-à-vendre).
Cela pousse généralement les fabricants à rationaliser leur production et optimiser leur offre :
En contrepartie de cette adaptation de leur stratégie, les industriels peuvent espérer des volumes importants. Les négociations avec les distributeurs discount étant souvent plus directes et moins complexes que dans la grande distribution classique, les fabricants peuvent également réduire leurs dépenses commerciales et marketing.
Le réseau discount peut potentiellement créer des problèmes d'image et de cohérence, si les consommateurs commencent à associer la marque au low-cost. De leur côté, les enseignes traditionnelles peuvent hésiter à référencer un produit très populaire dans le réseau discount, par crainte que celui-ci écorne la perception de l’enseigne et de son positionnement.
Dans ce dernier cas, les directions marketing choisissent parfois de packager une offre distincte pour le réseau discount, afin de ne pas nuire au reste de leur circuit de distribution. Une promotion très agressive du discounter a alors moins d’impact sur le reste du réseau car les produits ne sont pas les mêmes.
En proposant seulement 10% de marques nationales, le discount fait donc la part belle aux fabricants spécialisés, et favorise le modèle industriel et commercial de la marque blanche.
Pour les industriels de taille moyenne, c’est souvent le seul point d'entrée dans l’univers du discount. Bien que synonyme de marges réduites, cette stratégie génère des ventes massives, et peut donc conduire à :
Bien entendu, réussir en MDD impose aussi des prérequis stricts :
⚠️ Concurrence internationale : reste à savoir si les acteurs discount seront ouverts au référencement de nouveaux fournisseurs français, car la rationalisation des coûts et les économies d’échelle les amènent souvent à limiter les prestataires à l’échelle européenne. Par exemple, les outils de la marque Parkside (Lidl) sont fabriqués par différentes entreprises en contrat avec le distributeur, telles que Einhell, Grizzly Tools et Kompernass, toutes trois des sociétés allemandes.
Tout n'est donc pas uniquement une histoire de prix : les enseignes discount ont une approche multidimensionnelle qui prend en compte la fiabilité du fournisseur, la régularité des approvisionnements ou encore la flexibilité logistique.
En conclusion
Le discount a bouleversé le paysage de la grande distribution en France. Les acteurs historiques du hard discount font évoluer leur offre pour capter des parts de marché aux enseignes traditionnelles, lesquelles réagissent en intensifiant leur stratégie premier prix.
Toute l’organisation du marché s’en trouve transformée. Pour les industriels, cet écosystème peut représenter d’importantes opportunités.
Mais, qu’il s’agisse d’y faire référencer des gammes existantes ou de gagner des contrats en marque blanche, cette stratégie représente également de nombreux défis, comme la structuration de la chaîne de production et l'adaptation de la stratégie produit et marketing.
Le discount est donc un canal à aborder avec une stratégie différenciée, tout en surveillant l’évolution du secteur de la grande distribution dans son ensemble.
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