Gigognité d’assortiment : définition et usage en GMS | Sidely

Gigognité des assortiments : définition et enjeux

Margot Bonhomme
2 Avril 2024 - 4 minutes de lecure

Pour adapter au mieux leur offre aux caractéristiques des différents points de vente, les enseignes de la grande distribution utilisent le principe de gigognité, un ensemble de règles permettant de déterminer les produits à inclure dans l’assortiment de chaque magasin.

Ce principe, souvent mal connu des marques, est pourtant un atout stratégique des distributeurs. C’est pourquoi nous allons décortiquer cette pratique, en évaluer les avantages et les limites pour la distribution, et nous demander comment les marques peuvent en tirer profit.

Gigognité des assortiments : définition et contexte

“Gigognité” désigne une série d'objets s'emboîtant les uns dans les autres ou se glissant les uns sous les autres, comme les poupées russes. Dans le marketing du retail, on utilise ce terme pour faire référence à la stratification de l’offre des enseignes. En effet, il existe différents formats de magasins, regroupés dans des catégories que l’on appelle les strates. Il s’agit par exemple des proxi, discounters, hyper etc. 

Ces strates sont définies en fonction de critères tels que la taille, l'emplacement, le chiffre d'affaires, le profil de la clientèle, etc. Cette segmentation des points de ventes permet aux enseignes de créer des assortiments adaptés aux besoins de chaque typologie de points de vente. L’assortiment gigogne consiste ainsi en une hiérarchie de produits pour chaque catégorie, les magasins proposant une offre de plus en plus profonde selon la strate à laquelle ils sont rattachés.

Objectifs marketing, commerciaux et financiers

L’assortiment gigogne permet ainsi aux enseignes de s’assurer de centraliser leur approche du marketing mix, et notamment de l'adaptation de l’offre à la demande. Mais la gigognité répond aussi à un enjeu de branding et d’homogénéité, en ce qu’elle permet aux consommateurs de retrouver certains produits dans les points de vente d’un réseau, l’offre disponible étant un des critères qui permettent à une enseigne de se distinguer de ses concurrents.

La gigognité contribue également à solutionner les problématiques d’espace de stockage ou en rayon : l’optimisation des assortiments doit ainsi permettre à chaque point de vente de proposer une offre adaptée aussi bien à sa structure logistique et commerciale qu’à la demande locale. Enfin, la gigognité favorise la négociation à l’achat pour les enseignes, car elle garantit l’écoulement volumique des références stratégiques. C’est donc un véritable pilier de la stratégie de coût.

Précisons qu’au moment où nous publions cet article (mars 2024), l’inflation amène les consommateurs à se tourner en priorité vers les marques distributeurs, poussant ces derniers à réduire le nombre de références marques nationales en rayon au profit des MDD. On est donc passé d’une stratégie de profusion à une nouvelle ère d’optimisation et de dimensionnement. Si la gigognité n’est pas un outil nouveau en soi, elle n’en reste pas moins un des leviers que les enseignes actionnent pour optimiser leurs chaînes logistique et maximiser la valeur au mètre linéaire dans leurs rayons.

Fonctionnement de la gigognité de l’assortiment

L’assortiment gigogne consiste donc en une suite de produits classés par score d’importance stratégique dans les revenus ou la stratégie de l’enseigne, et par catégorie. Pour pouvoir définir cette arborescence, il faut donc assigner des scores ou des indices aux produits, de manière à les hiérarchiser. Cette action relève du category management, et est réalisée au niveau du siège ou de la centrale d’achat, le but étant de constituer un système à l’échelle du réseau.

Partons d’une schéma simple : 

Produit A → Produit B  → Produit C

Dans la chaîne ci-dessus, le produit A est nécessairement un produit commun et très vendu. En grande distribution, on considère généralement la règle des 80/20, soit 20% des produits générant 80% du chiffre d’affaires et vice versa. Dans notre schéma, A correspond à ce produit que tous les points de ventes doivent proposer.

La règle à comprendre en matière de gigognité, c’est qu’un magasin proposant le produit B devra forcément proposer le produit A. Et un point de vente ayant référencé le produit C devra obligatoirement proposer également les produits A et B, de sorte que la gigognité constitue une règle ascendante : quelque soit la référence disponible en rayon, tous les produits la précédant dans la hiérarchie doivent également être disponibles sur les étagères de ce point de vente. En revanche, un magasin peut ne proposer que le produit A. La règle de gigognité est toujours respectée dans ce cas.

Profil assortiment

Dans cette logique, chaque magasin se voit attribuer un profil assortiment relatif à chacune des catégories de produits. Ce profil correspond au nombre de produits à inclure pour chacune des catégories : 

  • Profil X : A ;
  • Profil Y : A + B ;
  • Profil Z : A + B + C.

Exemple

Prenons le cas d’un catman enseigne de la sous-catégorie “bières”. Ce dernier a déterminé les indices suivants : 

  • Bière MDD = 1 ;
  • Bière = 2 ;
  • Bière sans alcool = 3.

Les profils pourraient s’organiser comme suit :

Caractéristiques des magasins
Profil Proxi Super Hyper
Bière MDD x x x
Bière x x
Bière sans alcool x

Limites et dérogations à la règle de gigognité

Malgré l’adéquation théorique des profils d’assortiments aux points de ventes, la gigognité peut se confronter à des barrières locales, notamment pour des raisons culturelles. Par exemple, le niveau de consommation du beurre salé et de l’huile d’olive correspondent à des habitudes de cuisine régionales. Conclusion : les règles de gigognité s’appliquent généralement mais font souvent l’objet d’adaptations basées sur l’observation des comportements d’achats. Il peut donc y avoir des produits optionnels pour correspondre aux spécificités de la demande locale.

Analyse de données et assortiment intelligent

La gigognité est donc destinée à rationaliser la proposition de valeur à l’échelle d’un réseau constitué de points de ventes évoluant dans des écosystèmes variés (démographie, pouvoir d’achat, concurrence etc.). On peut la décrire comme un fonctionnement top-down, c’est-à-dire de la centrale vers le point de vente.

Mais, comme nous venons de le souligner, cette couche d'ingénierie ne permet pas d’imaginer tous les scénarios de consommation possibles, ni d'anticiper les évolutions potentielles. C’est pourquoi les enseignes utilisent également des méthodes bottom-up, afin d'adapter leurs stratégies en fonction des comportements d’achats observés.

Pour cela, les enseignes recueillent un maximum de données clients par le biais de la carte fidélité. En effet, en associant des ventes à des individus, les distributeurs arrivent à déterminer des segments clients basés sur leur parcours d’achat ou encore la complémentarité des produits qu’ils achètent.

La grande distribution se dote donc d’une double approche : la gigognité pour théoriser une proposition de valeur maximale pour chaque strate, et l’analyse de données terrain pour faire apparaître des tactiques gagnantes basées sur le comportement des consommateurs en réel. Cette complémentarité des approches est fondamentale. En effet, si le e-commerce exploite pleinement les algorithmes pour identifier les offres les plus adaptées, la distribution dans des magasins physiques doit aussi composer avec des contraintes et des coûts logistiques.

Par ailleurs, une logique full bottom-up signifierait que la demande fait l’offre. Or, l’objet du marketing et de la communication est précisément d'influencer le comportement d’achat. Autrement dit, les enseignes doivent trouver une proposition de valeur qui impacte les habitudes de consommation des shoppers, et n’en est pas seulement une conséquence.

Quel impact pour les marques ?

Cette évolution est relativement complexe pour les marques, car les stratégies des distributeurs se basent de plus en plus sur les données qui leurs appartiennent et auxquelles les industriels n’ont pas accès. Par ailleurs, la finalité des enseignes est souvent de pouvoir proposer des produits en marque distributeur de manière à baisser leurs prix tout en préservant leurs marges. Par exemple, si une enseigne constate que le BIO ralentit en raison de coûts prohibitifs et malgré une demande en hausse, cela veut dire qu’il y a une opportunité à se positionner en MDD en répondant à un besoin existant à un prix “acceptable”.

Les marques doivent donc observer certaines bonnes pratiques pour défendre leurs positions dans les rayons. 

  • Maîtriser la notion de strates, et connaître leur réseau de distribution : ici, l’objectif est de savoir à quel profil assortiment correspond quel point de vente. Dans une logique de trade marketing, le chef de secteur communique avec le chef de rayon ou le responsable du point de vente pour connaître l’offre théorique et savoir comment positionner ses produits dans l’assortiment ou faire du picking; 
  • Optimiser le relevé d’informations en points de ventes en utilisant une app mobile de relevé de linéaires. C’est le meilleur moyen d’accélérer la remontée d’informations stratégiques dans le CRM, d’analyser les pratiques des distributeurs et des concurrents et d’optimiser l’assortiment de marque ;
  • Adapter ses produits aux différents formats de vente : par exemple, un produit qui se vend bien dans un hypermarché peut nécessiter une version plus petite ou une formulation différente pour être adapté aux petits formats de proximité ;
  • Lancer de nouveaux produits : la gigognité des assortiments peut faire apparaître des opportunités pour les marques. Connaître les règles qui régissent le référencement des produits dans les rayons leur permet en effet de revoir leurs gammes pour s’intégrer plus complètement à la stratégie des enseignes et ainsi tirer les bénéfices de leur politique de distribution ;
  • Adapter son positionnement de marque : enfin, la révision de l’offre d’une marque peut impacter son positionnement sur le marché, et donc la perception qu’en auront les clients. 

Il donc d’un véritable enjeu stratégique pour les marques, qui doivent tenter de comprendre les règles de gigognité des enseignes pour en tirer les bénéfices, plutôt qu’en faire les frais en définissant des gammes inadaptées aux strates de leurs distributeurs.

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