Le modèle B2B2C est devenu incontournable pour de nombreuses marques industrielles. Il s’est imposé dans les circuits de distribution physique – GMS, GSS, CHR, RHF, pharmacie – comme un levier stratégique de croissance. Pourtant, il reste encore peu maîtrisé dans ses implications concrètes par les équipes commerciales.
Dans cet article, nous décryptons ce qu’est réellement le B2B2C, ses spécificités, ses avantages comme ses limites, et ce qu’il implique en matière de pilotage commercial terrain.
Le B2B2C (Business-to-Business-to-Consumer) repose sur une chaîne à deux niveaux : une marque (fabricant ou industriel) vend ses produits à un distributeur ou revendeur (B2B), qui les propose ensuite au client final (B2C).
Contrairement au B2B, où la relation s’arrête entre deux entreprises, et au B2C, où la marque s’adresse directement au consommateur, le B2B2C cherche à conjuguer les avantages des deux modèles : s’appuyer sur un partenaire pour distribuer, tout en gardant une forme de contrôle sur la relation avec l’utilisateur final.
Ce modèle est massivement adopté dans l’agroalimentaire, la grande consommation, le bricolage, la pharmacie ou la restauration. Selon Nielsen, près de 70 % des industriels opérant dans les circuits physiques utilisent aujourd’hui une stratégie B2B2C. Et selon Kantar, 60 % des consommateurs français achètent régulièrement des produits via des circuits où la marque n’est pas le vendeur direct.
Le modèle B2B2C implique que la marque ne vend pas directement au consommateur final, mais passe par un intermédiaire – distributeur, point de vente ou plateforme – pour toucher sa cible. Voici les principaux circuits concernés par ce modèle.
Les grandes et moyennes surfaces (GMS) comme Carrefour, Intermarché ou Leclerc, ainsi que les grandes surfaces spécialisées (GSS) telles que Leroy Merlin ou Castorama, sont des piliers historiques du modèle B2B2C.
Les marques y sont référencées à travers des accords commerciaux avec les centrales ou les enseignes, mais elles ne contrôlent pas directement l'expérience d'achat sur le terrain. Elles doivent donc piloter leur activité en magasin via une force de vente dédiée, souvent composée de chefs de secteur, qui doivent gérer leur visibilité, leur exécution promotionnelle, et leur présence en rayon de manière indirecte.
L’enjeu est double :
Cela suppose un suivi régulier sur le terrain, souvent réalisé via des visites en point de vente et des relevés d’informations.
Le circuit des cafés, hôtels, restaurants (CHR) et celui de la restauration hors foyer (RHF) repose sur un modèle indirect encore plus marqué. Les fournisseurs de boissons, de produits frais ou surgelés ne traitent généralement pas en direct avec les établissements finaux. Ils passent par des distributeurs ou des grossistes spécialisés.
Dans ce contexte, la performance commerciale ne dépend pas seulement du produit :
Les marques doivent donc mobiliser des équipes de vente capables de visiter régulièrement les établissements, d’assurer un bon niveau de service et de faire vivre la marque sur le terrain.
Les laboratoires pharmaceutiques et les marques de santé ou de bien-être s’adressent à des pharmacies et parapharmacies, qui peuvent être indépendantes ou affiliées à des groupements (Pharmabest, Giphar, etc.).
Dans ce réseau également, la marque n’a pas de lien direct avec l’acheteur final, et souvent pas non plus avec le pharmacien sur le plan transactionnel. Pourtant, la performance en point de vente dépend de nombreux leviers :
Une présence régulière en officine par des visiteurs médicaux ou des délégués commerciaux permet de construire une relation de confiance et de mieux valoriser l’offre.
Les marketplaces (Amazon, Cdiscount, Fnac.com…) représentent une version digitale du modèle B2B2C. La marque ne vend pas directement à l’acheteur, mais utilise une plateforme intermédiaire pour toucher ses clients.
Même si la transaction est numérique, les enjeux sont proches de ceux du retail physique :
Cela nécessite une organisation spécifique, souvent en lien avec des prestataires e-commerce ou une équipe marketing digitale dédiée.
Le modèle B2B2C (Business to Business to Consumer) présente plusieurs avantages pour une marque qui souhaite toucher efficacement ses clients finaux, sans forcément gérer l’ensemble du cycle de vente en direct.
Le principal intérêt du B2B2C est d’utiliser la puissance commerciale et logistique d’un distributeur pour accéder à un grand volume de clients. Ce levier est particulièrement efficace pour le déploiement géographique à grande échelle. Être présent dans un réseau comme E.Leclerc, permet de toucher des millions de consommateurs sans devoir gérer chaque point de contact en direct.
En externalisant partiellement la logistique, le stockage, voire la vente, la marque limite ses coûts fixes. Elle peut se concentrer sur la stratégie, le produit, le marketing et le pilotage.
Même si la marque ne vend pas directement, elle peut travailler sa visibilité en point de vente, former les vendeurs, ou mettre en place des animations. Elle conserve ainsi une influence sur la perception du consommateur.
Être référencé dans des enseignes reconnues (GMS, pharmacies, plateformes e-commerce de renom) apporte de la légitimité. Le consommateur a davantage confiance dans une marque visible dans ses circuits d’achat habituels.
Par exemple, une marque présente dans un rayon de pharmacie bénéficie d’un effet de réassurance, lié au sérieux perçu de l’environnement de vente.
Le B2B2C permet d’adapter sa stratégie commerciale selon les priorités locales : une marque peut concentrer ses efforts (visites, promotions, animations) sur certains points de vente ou territoires, sans avoir à tout gérer en direct.
Cela offre plus de flexibilité pour tester des marchés, lancer des nouveautés ou corriger des écarts de performance.
L’un des principaux défis est la perte d’accès à la donnée client finale. La transaction appartient au distributeur. La marque ne connaît ni le comportement d’achat détaillé, ni les retours directs du consommateur, à moins de développer ses propres canaux de collecte (CRM, campagnes terrain, remontées commerciales…).
Seulement la GSS et GMS permettent de connaître les dépenses payées par les consommateurs finaux, via les sorties de caisse, mais ces dernières restent dures à obtenir et à analyser.
Chaque réseau, chaque enseigne, chaque point de vente peut avoir ses propres règles. Cela implique de gérer des centaines, voire des milliers de relations commerciales différentes. L’homogénéité est difficile à maintenir, surtout si l’information circule mal entre les équipes.
Le distributeur gère la vente, la mise en rayon, le pricing, le merchandising. La marque n’est donc pas maîtresse de la présentation de ses produits, ni des conditions de vente, ni parfois même du discours commercial. Or, la performance de la marque dépend souvent de la bonne exécution sur ces points. C’est donc aux équipes terrain d’observer, corriger, et remonter les écarts.
Le succès de la marque repose en partie sur la volonté du distributeur de la promouvoir. Or, les priorités commerciales des distributeurs peuvent changer, et la marque peut perdre en visibilité ou en part de marché sans pouvoir agir rapidement. Par exemple, une tête de gondole retirée, un référencement suspendu ou un changement de conditions commerciales peut impacter directement les ventes.
Dans un modèle B2B2C multi-circuits (GMS, pharmacies, CHR, e-commerce…), chaque canal a ses propres codes, contraintes et saisonnalités. Il faut donc adapter les approches, les argumentaires, les prix… ce qui peut devenir coûteux ou difficile à piloter sans outils adaptés.
Il y a donc un risque de manque de cohérence entre les circuits ou une dispersion des ressources commerciales.
Dans un modèle B2B2C, les commerciaux jouent un rôle décisif. Ils visitent les points de vente, assurent la présence des produits, vérifient les conditions de mise en avant, échangent avec les responsables de rayon ou les gérants.
Cette force de vente doit être bien segmentée par territoire, équipée d’outils efficaces, et pilotée selon des objectifs clairs.
Les décisions prises au siège (objectifs, priorités, actions marketing) doivent être déployées efficacement sur le terrain. Cela suppose une circulation fluide des informations, un pilotage via des données unifiées, et une logique de boucle continue entre stratégie et exécution.
Le B2B2C génère des flux d’informations complexes : données commerciales, données marketing, retours terrain, statistiques de vente indirectes. Il est essentiel de structurer ces flux, de fiabiliser les remontées, et de croiser les sources.
Une stratégie data efficace ne repose pas uniquement sur les outils. Elle suppose aussi des processus clairs, une implication des équipes, et une culture de la donnée partagée.
Dans un modèle où la marque ne contrôle pas entièrement l’expérience d’achat, il est essentiel qu’elle soit identifiable et reconnaissable, quel que soit le point de contact. Pour cela, travaillez votre marketing mix.
Un positionnement clair, une charte visuelle cohérente et une proposition de valeur forte facilitent la mémorisation de la marque par les consommateurs… et sa recommandation par les distributeurs.
Les équipes commerciales et les intermédiaires ont besoin d’outils concrets pour valoriser les produits : fiches argumentaires, présentoirs, visuels, éléments de langage, PLV, échantillons.
Des supports bien conçus facilitent la mise en avant, l’appropriation du discours marque, et renforcent l’impact commercial en point de vente.
Le B2B2C nécessite des actions ciblées, pensées pour les spécificités de chaque réseau. Dégustations en CHR, promotions en GMS, incentives pour les préparateurs de commande en e-commerce…
Adapter ses actions au contexte local permet de créer une dynamique terrain et d’augmenter significativement l’engagement autour de la marque.
La vente ne se faisant pas en direct, il est nécessaire de suivre des indicateurs spécifiques : présence produit, nombre de visites terrain, part de linéaire, remontées distributeurs, exécution promotionnelle, etc.
Ces indicateurs permettent de piloter les actions, d’ajuster les priorités, et d’identifier rapidement les leviers de croissance ou les zones de fragilité.
Le modèle B2B2C impose de piloter une performance commerciale sans avoir la main directe sur tous les leviers. Cela suppose une organisation rigoureuse, une capacité à intervenir localement, et une bonne lecture des signaux faibles.
Le terrain devient un lieu stratégique d’observation, de détection et d’action. Et la donnée terrain – si elle est bien collectée et exploitée – devient un avantage concurrentiel fort.
Sans outils structurés ni logique collaborative, le modèle B2B2C peut devenir source de frustration, d’erreurs, ou de perte d’efficacité. C’est pourquoi il fait aujourd’hui partie des priorités de transformation des équipes commerciales, notamment dans les secteurs à réseau dense.
Le B2B2C n’est pas un simple modèle de distribution : c’est une stratégie complète qui structure la manière dont une marque va exister sur le marché. Son efficacité dépend de la coordination entre tous les acteurs de la chaîne, de la qualité des données partagées, et de la capacité à exécuter localement une stratégie pensée globalement.
Dans ce modèle exigeant, les directions commerciales ont un rôle central à jouer. Structurer les équipes, organiser la donnée, fluidifier les process, piloter avec rigueur. Autant de leviers pour faire du B2B2C un avantage durable, et non une contrainte complexe.