Le fromage occupe une place singulière dans le paysage alimentaire français. Produit de tradition, emblème du terroir et symbole de convivialité, il s’impose comme une catégorie phare de la grande distribution.
Aujourd’hui, près de 70 % des volumes de fromages consommés en France sont vendus en GMS (hypermarchés, supermarchés et enseignes de proximité). Autrement dit, la grande distribution reste le passage obligé pour toute marque qui souhaite se développer à grande échelle.
Mais entrer en GMS ne s’improvise pas. Les exigences des enseignes, la pression sur les marges et la rotation rapide des références rendent le référencement complexe, surtout pour les producteurs indépendants ou les marques régionales.
Comment convaincre un acheteur ? Quels critères déterminent l’accès au rayon ? Et comment pérenniser sa présence une fois référencé ?
Cet article vous aide à décrypter les mécanismes de la grande distribution pour mieux vendre votre fromage en GMS : de la négociation au suivi terrain.
La grande distribution représente un vecteur de volume et un moteur d’innovation pour le marché du fromage.
Selon le CNIEL et NielsenIQ, les GMS concentrent plus de 7 milliards d’euros de ventes annuelles, sur un marché total d’environ 10 milliards. Ce canal domine pour trois raisons principales :
En pratique, la GMS structure le marché. Les industriels s’adaptent à ses besoins, les coopératives y trouvent leurs débouchés, et les consommateurs y façonnent leurs habitudes d’achat.
Le rayon fromage se transforme. Plusieurs tendances structurent désormais l’assortiment :
Ces tendances traduisent une évolution culturelle : le fromage n’est plus seulement un produit de plateau, mais un ingrédient du quotidien.
Parmi les évolutions majeures du marché du fromage, la montée en puissance du “local” est sans doute la plus structurante. Les consommateurs français plébiscitent de plus en plus les produits issus de petits producteurs régionaux, perçus comme plus authentiques, plus durables et plus ancrés dans le territoire.
Dans un contexte où les prix se rapprochent et les offres se standardisent, le local devient un facteur de distinction pour les enseignes.
Un rayon qui valorise les productions régionales crée une proximité émotionnelle : les clients ne “consomment” plus seulement un fromage, ils soutiennent un territoire.
Les chiffres confirment cette tendance : selon Kantar (2024), près de 70 % des consommateurs français affirment privilégier un produit local à qualité équivalente, même légèrement plus cher.
Si le potentiel est évident, les contraintes logistiques et industrielles freinent encore l’essor du local.
Les petits producteurs ne disposent pas toujours de la capacité nécessaire pour répondre aux volumes exigés par les enseignes. Une fluctuation de production, une rupture d’approvisionnement ou une non-conformité peuvent suffire à remettre en question leur présence en rayon.
Cette fragilité structurelle explique pourquoi la grande distribution continue de s’appuyer majoritairement sur les grands groupes laitiers, tout en réservant un espace croissant aux marques de distributeurs régionales, souvent sous MDD “terroir”.
Pour les enseignes, l’enjeu consiste donc à trouver un équilibre entre fiabilité logistique et authenticité produit. C’est le rayon “produits locaux” qui le permet. ****Pourtant, la mise en avant reste souvent trop générique ou mal exploitée.
L’information sur l’origine ou le producteur ne doit pas être cantonnée à une étiquette : elle doit nourrir une expérience d’achat émotionnelle.
Cela peut passer par :
Le fromage reste l’un des produits emblématiques de la grande distribution. C’est un incontournable du panier moyen français. Son absence en rayon serait presque “anormale”.
Pourtant, le rayon fromage n’est plus considéré comme un rayon stratégique. Depuis près de vingt ans, son agencement, son merchandising et son expérience d’achat ont peu évolué. Or, pendant ce temps, les consommateurs, eux, ont profondément changé : nouvelles attentes, recherche de plaisir, envie de transparence et d’expériences d’achat plus riches.
Il est donc temps de casser les codes, et repenser le rayon fromage non plus comme un simple espace de stockage, mais comme un véritable lieu de découverte. À l’image de ce que les enseignes ont su faire pour le vin ou la bière, transformés en véritables caves ou espaces immersifs au cœur des magasins.
Aujourd’hui encore, la plupart des rayons fromages sont construits selon des logiques anciennes : segmentation par type de pâte, par marque ou par format.
Mais le consommateur d’aujourd’hui ne raisonne plus ainsi : il achète selon l’usage (apéritif, cuisine, plateau, snacking) et selon l’émotion (goût, origine, histoire).
Le rayon fromage peut donc être repensé comme une boutique au sein du magasin : un espace à part, identifiable, avec une scénographie spécifique, un mobilier différencié et une approche expérientielle.
Pourquoi ne pas imaginer des dégustations régulières, des focus régionaux (“le mois des fromages d’Auvergne”), ou encore des panneaux pédagogiques sur les appellations et les accords mets-fromages ?
Ce type d’approche transforme un rayon statique en un univers de marque, où l’achat devient une expérience.
Mais un beau rayon ne suffit pas. La réussite d’un rayon fromage passe avant tout par la compétence de ceux qui le font vivre. Trop souvent, les employés sont affectés au rayon sans réelle formation produit, ce qui limite leur capacité à conseiller, à valoriser les fromages et à créer une relation client.
Or, un fromage bien présenté, expliqué et raconté se vend mieux.
Former les équipes à la découpe, à la conservation, aux familles de fromages et aux accords mets/fromages change radicalement la perception du rayon. En tant que marque, vous pouvez prendre le temps d’expliquer à ceux qui le serviront, les arômes de vos produits, avec quoi il se marie le mieux, ou comment le déguster. Cela redonne du sens au métier : le vendeur redevient un ambassadeur du goût, pas seulement un réassortisseur.
Un assortiment bien pensé ne suffira pas si le client n’est ni guidé, ni conseillé. À l’inverse, un vendeur passionné peut faire découvrir un produit inconnu et fidéliser un client pour longtemps.
Le référencement repose sur des critères précis. Les acheteurs GMS évaluent les produits selon cinq grands axes :
📌 En pratique
Les fromages à forte identité (origine, histoire, savoir-faire) sont mieux perçus que les références trop génériques. Le storytelling renforce la valeur perçue et facilite la négociation.
L’accès en rayon suit généralement un parcours en plusieurs étapes :
Chaque année, les accords sont renégociés. Un produit à faible performance peut être rapidement déréférencé : ce n’est pas quelque chose que vous voulez ! C’est pourquoi le suivi terrain et la réactivité sont essentiels.
L’emballage joue un rôle déterminant dans la décision d’achat. En rayon, le packaging fait office de premier argument de vente.
Rien de mieux qu’un exemple concret pour comprendre comment développer vos ventes en GMS. Pour cet exemple, nous avons choisi le segment du fromage à tartiner, qui constitue aujourd’hui l’un des leviers les plus dynamiques du marché fromager en GMS. Souvent perçu comme une catégorie “classique”, il cache en réalité un potentiel de croissance encore sous-exploité.
Et pour cet exemple, je me base notamment sur la publication linkedIn de Romain Grégoire, Category Manager enseigne chez Laïta. Selon les données partagées, le rayon du fromage à tartiner affiche une progression de +12 % en volume sur trois ans, tirée par l’innovation, la praticité et le renouvellement des usages.
Pour accélérer cette croissance, quatre leviers structurants peuvent être activés : visibilité, clarté, découverte et gestion du linéaire.
Le premier enjeu est de faire venir davantage de shoppers potentiels vers la catégorie.
Trop souvent noyé entre les rayons “fromages frais” et “produits apéritifs”, le fromage à tartiner souffre d’un manque de lisibilité.
L’idée proposée par Laïta consiste à créer un “pôle global tartinable”, réunissant :
Cette logique de regroupement permet :
Les performances le confirment : +12 % de croissance en volume sur trois ans, portée par les familles et les foyers à hauts revenus, deux cibles particulièrement sensibles à la praticité et à la convivialité du tartinable.
La clarté du rayon est un autre levier majeur de performance.
Selon les études shopper, 83 % des consommateurs souhaitent que les produits soient classés par marque plutôt que par format ou prix. Cette organisation simplifie la navigation, renforce la lisibilité des gammes et valorise la notoriété des marques établies.
Un rayon structuré par marque permet de :
L’objectif n’est donc pas d’élargir à tout prix l’assortiment, mais de le rendre lisible et cohérent.
Au-delà des produits phares, la catégorie doit stimuler la curiosité.
Le fromage à tartiner reste souvent une catégorie d’achat “prévu” : les consommateurs achètent leur marque habituelle sans explorer d’autres variétés.
Pour développer la valeur du rayon, il faut provoquer la découverte :
L’objectif est clair : transformer le rayon en espace de dégustation visuelle où chaque produit invite à l’essai.
📌 En pratique
La variété est la première attente des acheteurs pour consommer davantage. Créer un espace central dédié à la découverte permet de déclencher les achats additionnels, souvent impulsifs mais à forte valeur.
Le dernier levier, souvent sous-estimé, concerne la répartition du linéaire.
Un linéaire bien calibré doit à la fois refléter les performances actuelles et anticiper la demande.
Selon Romain Grégoire, la clé réside dans un équilibre 60/40 :
Ajuster les facings selon la performance permet d’éviter les ruptures et d’améliorer la satisfaction client.
L’exemple de Madame Loïk, deuxième marque nationale du segment, illustre bien cette dynamique : +30 % de ventes en trois ans, portée par une offre large et un merchandising cohérent.
En grande distribution, ce ne sont pas les producteurs qui ont le dernier mot, mais bien les distributeurs. Ce sont eux qui fixent les prix de vente, décident de l’emplacement de vos animations commerciales, et choisissent où vos fromages seront placés dans le rayon.
Autrement dit : le succès de votre marque dépend autant de la négociation en amont que de la bonne exécution en point de vente.
Une fois vos accords conclus, il est indispensable de vérifier que tout ce qui a été négocié est bien appliqué : respect du prix, de l’assortiment, de la visibilité, des facings ou encore du balisage en rayon.
C’est précisément le rôle de vos chefs de secteur : passer en magasin, collecter l’information, identifier les écarts et, si besoin, corriger le tir.
Le pilotage de votre activité GMS repose sur une vision à deux échelles :
Chaque point de vente a ses spécificités : typologie de clientèle, strate du magasin, pouvoir d’achat, taille du rayon, pression concurrentielle. Comprendre ces nuances est essentiel pour adapter votre stratégie commerciale localement.
Pour assurer une présence optimale, plusieurs indicateurs de ventes et de performance doivent être suivis régulièrement :
Un suivi actif permet de :
Le dialogue régulier avec les chefs de rayon reste clé : ce sont eux qui décident des réassorts, des implantations et des animations locales.
→ Voici les 7 indicateurs de performance que vous devez absolument suivre en GMS.
Les marques performantes ne se contentent pas d’être référencées : elles font vivre la catégorie.
Animer le rayon, c’est entretenir la relation avec les équipes en magasin et créer des temps forts qui stimulent les ventes.
Quelques leviers efficaces :
Chaque action doit être mesurée : évolution du volume, impact sur la rotation, gain de part de linéaire ou surcroît de notoriété.
Ce pilotage de la performance promotionnelle est indispensable pour justifier un maintien, voire une extension de vos références au planogramme.
Le suivi commercial ne peut plus reposer sur des échanges informels ou un CRM obsolète.
Les équipes terrain ont besoin d’un CRM SFA conçu spécifiquement pour la GMS, afin de centraliser l’information et gagner en réactivité.
Un bon CRM GMS doit permettre de :
L’objectif est triple :
La GMS reste le principal levier de développement pour les marques de fromage, mais aussi le plus exigeant.
Pour y réussir, il faut combiner :
Référencer un fromage est une première victoire. Le vrai succès se mesure dans la durée : quand votre produit devient une référence attendue du consommateur et un pilier du rayon.