En marketing, la cannibalisation intervient lorsqu'un produit ou service capte les revenus générés par un autre, généralement plus ancien.
Ce phénomène constitue un risque commercial et financier important pour les industriels, mais peut aussi être initié par eux, intégrant parfaitement la stratégie d'assortiment et le category management.
Sidely vous invite ici à une analyse approfondie des enjeux de la cannibalisation produit : après avoir exploré la théorie marketing, nous nous intéresserons aux risques de la cannibalisation subie et aux actions réactives que le marketing doit mettre en place.
Nous verrons ensuite comment la cannibalisation peut contribuer au succès commercial de votre marque, avec des exemples concrets.
L’effet cannibale est un phénomène répandu dans lequel différents produits d’une même entreprise entrent en compétition sur une cible commune. Cette situation est courante lorsqu’un nouveau produit est lancé par un fabricant, mais peut survenir dans d’autres contextes, tels qu’une différenciation insuffisante ou le recours excessif aux promotions.
Plus une gamme est large (diversité de lignes de produits) ou profonde (variété au sein d’une même ligne), plus le risque de cannibalisation augmente. Les références peuvent alors se concurrencer entre elles, surtout si elles répondent à des besoins proches.
Si le taux de similitude des produits est trop élevé, ils peuvent se substituer l’un à l’autre, créant une situation de concurrence interne, parfois appelée cannibalisme d’entreprise (ou de marché).
On parle de cannibalisation directe lorsque des produits très similaires d’une même gamme se concurrencent directement. Il y a cannibalisation croisée quand des produits de différentes gammes ou segments proches répondent à des besoins similaires.
La cannibalisation est souvent liée au cycle de vie d’un produit, et permet aux entreprises de remplacer progressivement un produit qui arrive en phase de maturité ou de déclin par une nouvelle offre. C’est une manière de maîtriser l’évolution du portefeuille produits, en anticipant la perte de vitesse des références vieillissantes.
Par ailleurs, la cannibalisation peut être un outil stratégique pour occuper l’espace en rayon, préempter les besoins clients et freiner la concurrence (rendez-vous en seconde partie de l’article pour explorer les stratégies cannibales !).
💡Cannibalisation et retail : le phénomène de cannibalisation peut également se produire à l’échelle des points de ventes - les enseignes doivent alors repenser leur maillage territorial - mais aussi des canaux, le cas le plus typique étant une concurrence entre magasins et sites e-commerce. Les marques recourent au marketing omnicanal pour éviter ces effets de bords.
Les entreprises doivent prendre soin de surveiller en permanence les risques de cannibalisation au sein de leur assortiment.
Lors d’un lancement de produit, il sera utile de mesurer le taux de cannibalisation des produits existants par le nouveau.
La part de marché globale permettra également de vérifier si le lancement entraîne une augmentation des ventes totales ou simplement un transfert entre produits.
Enfin, l’élasticité prix-croisée s’avérera utile pour savoir si une baisse du prix du nouveau produit diminue fortement la demande des anciens produits.
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Lorsqu’elle est subie, la cannibalisation témoigne d’une mauvaise appréhension du comportement et des attentes des consommateurs.
En plus de réduire les ventes de certaines références et de brouiller la perception de la marque, la cannibalisation des ventes peut avoir un impact considérable sur la rentabilité de l’entreprise qui multiplie les coûts de fabrication pour des produits qui se font concurrence entre eux.
Constater la cannibalisation servira alors à purger les gammes et optimiser l’assortiment. En axant sa stratégie commerciale sur les produits à forte contribution, l’entreprise repositionne son offre et améliore sa marge bénéficiaire.
Dans les faits, l’entreprise peut revoir le marketing mix à l’échelle de chaque référence. Il s’agira de considérer les 4P de chaque référence (produit, prix, promotion et place) afin d’éviter - ou d’assumer - les chevauchements.
Une segmentation efficace permettra alors d’éviter qu’un même buyer personae soit amené à choisir un produit au détriment d’un autre. En cas de complémentarité des produits, l’entreprise peut développer une stratégie de vente croisée (cross selling), comme par exemple avec le café et les filtres.
Et nous allons justement voir comment les marques peuvent actionner la cannibalisation de façon stratégique.
La cannibalisation des produits est souvent une stratégie volontaire et bénéfique, lorsqu’elle s’inscrit dans une vision globale de croissance, de défense de parts de marché ou d’optimisation de l’offre. On peut distinguer deux cas de figure :
Dans les deux cas, c’est un choix stratégique visant à renforcer ou protéger sa position sur le marché.
Voici plusieurs scénarios où elle est intentionnellement mise en œuvre par une marque.
💰 Le renouvellement de l’offre sert parfois une politique d’inflation masquée utilisée pour augmenter le chiffre d'affaires - ou la marge - unitaire. Les category managers peuvent également en faire usage pour accompagner un projet de refonte catégorielle.
L’essentiel est de bien piloter cette dynamique pour s’assurer qu’elle ne mène pas à une érosion globale des marges ou à une confusion des consommateurs.
Si l’entreprise a du mal à vérifier l’existence de transferts de revenus involontaires par ces méthodes de calculs, il est possible de faire appel à des experts en data science (consultants ou agence), mais aussi de s’équiper d’un Retail CRM.
Afin de valider l’étanchéité des segments et des produits et d’éviter que les offres fassent doublon, le marketing peut également mesurer le taux de similarité des produits.
Il existe de nombreuses méthodes pour établir la similarité entre deux produits ou services. Selon le cas de figure, l’entreprise peut en explorer plusieurs.
Pour mettre en place une bonne stratégie d’assortiment, les industriels peuvent calculer un score de similarité (généralement entre 0 et 1).
Celui-ci passe par l’attribution d’un poids à chaque critère (design, fonctionnalités, prix etc.) afin d’établir une moyenne pondérée.
Méthode de calcul :
Il est établi qu’un produit A et un produit B ont :
Avec des poids de 50%, 30% et 20%, le score de similarité serait :
S = (0,8 x 0,5) + (0,6 x 0,3) + (0,9 x 0,2) = 0,76
Un score de 0,76 indique une forte similarité. Dans un tel scénario, l’entreprise pourrait :
Ejemplo:
Un nouveau soda zéro sucre a un taux de similarité de 90% avec une boisson light existante, et risque de cannibaliser les ventes du premier, au lieu d’attirer de nouveaux clients.
👉 La marque revoit le packaging et la communication en ciblant un autre segment (ex. sportifs vs. grand public). La cannibalisation est alors minimisée malgré la forte similarité des caractéristiques produit.
🧠 Que les entreprises utilisent des méthodes manuelles comme celles que nous venons de détailler ou des algorithmes prédictifs intégrés à des logiciels spécialisés, l’objectif est toujours d’anticiper les effets cannibales plutôt que de les découvrir dans l’analyse des sellout !
En dépit des risques qu’elle fait courir aux industriels, la cannibalisation, lorsqu’elle est voulue, maitrisée et mesurée, se révèle un atout indispensable pour la gestion des gammes, la stratégie marketing et commerciale, et le cycle de vie produit.
Les entreprises qui maîtrisent ces théories et parviennent à les actionner efficacement dans leur stratégie de distribution, peuvent alors dominer leur marché par une gestion optimisée de leur assortiment.